Je ne sais plus j’en suis à mon combientième tour. J’ai perdu le fil, quelque part entre les années qui s’égrènent et nombre de voyages un peu partout à travers la planète. Peu importe. Je porte toujours en moi cet immense besoin d’aller m’y réfugier souvent, que ma pupille s’abreuve de bleu et de vert et que mes sens se laissent fouetter par le vent et l’air salin.
Faut-il se rendre à l’autre bout de la planète pour vraiment prendre conscience de l’immense beauté qui est là, tout près ? Peut-être bien. On le sait, les horizons lointains ramènent essentiellement aux origines, ils aiguisent autrement notre regard, nous conscientisent quant aux richesses qui ne nous appartiennent pas, mais dont on peut tout de même se montrer chauvin.
Toujours est-il que j’aime passionnément revenir dans le Bas-Saint-Laurent et en Gaspésie. Chaque fois, ce même émerveillement, cette même tendresse, ce même sentiment puissant qui me parcourt l’échine tout en longeant la route 132. Je sais qu’il y aura tant pour me nourrir l’âme : évidemment, l’accueil chaleureux de ses habitants, mais aussi les saveurs uniques de la mer apprêtées dans des tables gourmandes conviviales ou réputées, et encore nombre de fumoirs, de poissonneries, de microbrasseries, d’artisans où il faut faire l’arrêt. Si je devais choisir un seul élément toutefois qui me séduit assurément chaque fois, ce sont tous ces grands espaces tout de vert se jetant dans la mer où je peux à la fois me perdre et me trouver.
Il y a d’abord ceux épousant la grève bas-laurentienne, dont le Parc du Bic qui avance dans le majestueux Saint-Laurent avec son fameux Pic Champlain surplombant le fleuve du haut de ses 346 mètres. L’illustre explorateur s’en serait servi comme repère lors de son voyage de 1603 et, par dérive linguistique, ce dernier serait venu donner au parc son nom. Au-delà de ses caps, ses baies, et ses anses, j’ai pu y admirer des plantes rares fleurissant sur les caps rocheux, des phoques se prélassant et des couchers de soleil absolument superbes.
On reprend la route tandis que le fleuve devient tranquillement la mer. Peu après Sainte-Flavie, là où il faut faire arrêt pour déguster une des meilleures guédilles de homard qui soient et où le soleil irise le ciel de rose lorsqu’il s’éclipse, ce sont les exceptionnels Jardins de Métis, discrètement dissimulés derrière la 132 et situés à la porte de la Gaspésie, qu’il faut prendre le temps de parcourir. Véritables merveilles horticoles, on y déambule d’un ensemble ornemental à l’autre dans un cadre paisible et enchanteur parmi les pivoines, orchidées indigènes, iris, lys, rosiers et les fameux pavots bleus.
On reprend ensuite la magnifique route sinueuse longeant quelques villages, falaises escarpées et offrant des paysages grandioses. Non loin, à l’intérieur des terres, il y a encore cette immense mer de montagnes tout de vert, les monts Chic-Chocs, vastes et sauvages où j’ai réalisé mes premières longues randonnées à l’aube de ma vingtaine. Quelques arrêts pour faire le plein de la beauté des littoraux rocailleux et on aboutit finalement à la pointe de la péninsule, là où le terme duquel est issu le nom Gaspésie prend tout son sens : en micmac, le mot Gespeg signifie « bout de la terre ». On peut en effet emprunter ici un sentier qui mène au bout du monde, ou presque, dans ce joyau qu’est le Parc national de Forillon ; on peut encore découvrir ses falaises sculptées par la mer, au magnifique Cap-Bon-Ami ; on peut prendre rendez-vous avec l’histoire au phare de Cap-des-Rosiers, plus haut phare du Canada depuis près de deux siècles. On peut enfin embrasser du regard depuis le mont Saint-Alban le splendide panorama donnant sur l’indigo du golfe et même y apercevoir quelques rorquals à l’occasion.
À la hauteur de Percé, nombreux sont ceux qui s’arrêteront devant l’immense rocher afin de l’immortaliser en photo pour repartir presque aussitôt. C’est passer à côté des beautés et secrets que recèle le parc national de l'Île-Bonaventure-et-du-Rocher-Percé. À quelques dizaines d’encablures, les parois effritées de l’île ont créé de véritables corniches qu’ont adopté pléthore d’oiseaux marins pour leur nidification. On peut les observer de loin, mais il faut assurément prendre le temps d’y faire halte pour y admirer un phénomène remarquable. Je ne sais qui de ma fille ou de moi fût la plus émerveillée de voir surgir au terme d’une randonnée traversant l’île cette vaste colonie immaculée nichée au large de Percé. Plus de 110 000 fous de Bassan qui piaillent joyeusement !
On longe ensuite la magnifique baie des Chaleurs qui se fait souvent mer d’huile. Je porte à jamais en moi cet instant qui tenait de la pure magie alors que j’accompagnais un capitaine de homardiers, lever au moment de l’aurore une centaine de casiers. Ce sont des souvenirs qui nous imprègnent à jamais, nous font vivre des réalités qu’on tient pour acquises et nous conscientisent quant à l’énorme labeur dont font preuve les pêcheurs.
Le parc national de Miguasha avec sa richesse fossilifère demeure une étonnante et fascinante découverte avant finalement de plonger dans les riches paysages verts de la vallée de la Matapédia. Grande négligée, souvent traversée à tort rapidement en fin de périple, elle est avec ses magnifiques rivières saumonées et ses lacs où pagayer une véritable bouffée d’oxygène frais avant de regagner le littoral et le vaste fleuve. On se dit alors qu’il nous faudra absolument revenir, goûter plus lentement à chaque teinte de bleu et de vert, puiser dans ces grands espaces à nouveau quiétude et équilibre.
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