Fermez les yeux… Imaginez-vous très tôt le matin dans votre petit riad d’Essaouira. Malgré l’envie de rester au lit, vous trouvez la force de vous lever et de partir à la découverte de la médina blanche et bleu. Après avoir fait un détour par le port, où les bateaux aux filets multicolores rapportent une provision abondante de poissons, vous prenez la direction des ruelles rectilignes. Bien qu’il soit trop tôt pour observer les étalages des commerçants et des artisans, votre odorat est en émoi. Derrière certaines portes closes, il est possible de sentir les parfums des épices. Derrière d’autres, une forte odeur de thuya vous enivre. Vous êtes devant l’échoppe d’un artisan-menuisier. Comme son père et son grand-père avant lui, il confectionne des coffres nacrés de bois de rose et des tables à café perlées de bois de citronnier. L’ébénisterie, le tadelakt, les zelliges, les tapis, la poterie, le cuir, la ferronnerie, les stucs… l’artisanat marocain représente un monde d’une richesse insoupçonnée forgé au fil des siècles et des échanges entre les différentes cultures. Aujourd’hui, je vous propose un voyage dans un univers de petits gestes créent de grandes beautés

1. Le zellige, quand la contrainte religieuse crée l'art

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Le Maroc converti à l’Islam se trouva rapidement devant une contrainte qui l’obligea à innover en matière d'arts décoratifs. En effet, les préceptes du prophète et de ses descendants interdisaient de copier ce que Dieu avait lui-même créé. Sans peintures ni statues, comment égayer les murs des lieux saints ou les pièces d’une demeure ? Si l’origine du zellige n’est pas connue, un peu d’imagination nous porte à croire qu’il fut inspiré par les mosaïques romaines présentes au Maroc depuis des siècles. Cet assemblage géométrique composé de petits carreaux appelés tesselles, est formé de milliers de faïences colorées. Surtout présent sur les murs, le zellige se démocratisa et recouvra les planchers, puis les fontaines, et aujourd’hui, même les plateaux de table. Le succès de cet art décoratif haut en couleur ne tarda pas à se faire sentir, et bientôt, tout le Maghreb et l'Andalousie en furent recouverts. Croyez-moi, les mosquées, les palais et les hôtels que vous aurez la chance de visiter au Maroc n’auront de cesse de vous éblouir !

2. Le tadelakt, quand protection rime avec beauté

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Tous les Marocains vous le diront, deux fois plutôt qu’une d’ailleurs… le Maroc est un pays froid au soleil chaud ! Effectivement, les températures sont extrêmes au pays du Sahara et des Atlas. Si le désert peut atteindre les 45 degrés Celsius en été, la chaîne de montagnes des Atlas reçoit régulièrement de la neige en hiver. En complément des murs de pisé, le tadelakt provient d’abord d’un besoin d’étanchéifier les citernes d'eau. Devant le succès de cette opération, la technique fut reprise pour protéger les habitations des précipitations et des champignons. Le mot tadelakt vient directement du verbe arabe « dalaka » qui signifie masser, frotter, polir. Cette technique est un héritage des premiers occupants du Maroc, les Berbères. À base de chaux, de sable très sec du désert, de savon noir et de pigments de couleurs, ce stuc brillant aux teintes variées reste chaud en hiver et frais en été. En plus de posséder des qualités techniques, le tadelakt est un produit parfait pour colorer un intérieur souvent chiche en fenêtres. Ainsi, les mâalem littéralement « ceux qui possèdent le savoir-faire », excellent depuis des millénaires à protéger, mais aussi à égayer les murs des maisons bourgeoises marocaines. Rosé, violacé ou orangé, le tadelakt fait partie de l’exotisme du pays !

3. La maroquinerie, quand un art a pour référence un pays

Maroc-art-maroquinerie

Fès est un véritable labyrinthe où le temps semble n’avoir aucune emprise ! Si on oublie le téléphone portable, les montres et les lunettes modernes, on pourrait filmer sans rien changer au décor, une étape de la vie de Jésus. C’est dans cette ville unique que vous aurez la chance de découvrir un art qui porte le nom même du pays : la maroquinerie. Jamais l’expression « suivez le guide » n’aura eu autant d’importance que dans la médina de Fès. Même les guides nationaux ont besoin d’un guide local pour s’y retrouver ! À l’approche du souk des tanneurs, on vous offrira de petits bouquets de menthe afin de masquer une odeur à peine supportable. Et imaginez, nous surplombons de plusieurs mètres les cuves où s’échinent les travailleurs. Il y a quelques années, ces derniers travaillaient sans masque, les pieds plongés dans les solutions concentrées en sel. Si aujourd’hui, ils tannent autant la peau du crocodile que celle du requin. À la base, les tanneurs utilisaient la peau des chèvres et des boucs. Sacs, livres, poufs, portefeuilles, gants, ceintures… l’éventail des produits d’une qualité insurpassable semble se décliner à l’infini. C’est un véritable émerveillement pour les yeux, mais moins pour le nez !

4. La poterie, quand le quotidien devient un art

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Bien avant la tendance foodie en Occident et bien avant qu’on immortalise nos plats sous tous les angles, les potiers marocains avaient compris l’importance du beau ! Juste à la pensée d’un tajine poulet et citron, je salive… Le Maroc est une destination gastronomique qui a toujours su marier le beau et le bon. Parce qu’on mange d’abord avec les yeux, la vaisselle au Maroc engage à la fête. Trois grandes écoles distinctes ont vu le jour dans le pays : Safi, Salé et Fès. Chacune revisite les grands classiques du vaisselier marocain que sont les plats à couscous et à tajine, les bols ainsi que les vases. Sophistiqués et finement décorés, ces styles citadins reprennent généralement des motifs venus de l’Islam, mais la richesse de la poterie marocaine ne s’achève pas là. Il faut également noter la différence entre la ville et la campagne. Dans les petits villages, les motifs berbères libèrent l’artiste et permettent une diversité multiple. Quoi de mieux pour faire oublier une cuisson moyenne qu’un magnifique plat de présentation à tajine ? Parce qu’avouons-le, nous ne sommes pas tous des étoiles dans le firmament gastronomique !

5. Le tapis marocain, quand l'art devient la vedette

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Évidemment, lorsque vous déambulerez dans les souks de Fès, Marrakech ou Meknès, votre œil sera attiré par la grande vedette du pays, le tapis ! Ce dernier est toujours placé bien en évidence à l’extérieur des commerces. Difficile de résister à la tentation d’effectuer un arrêt photo devant une telle explosion de couleurs. Malheureusement, l’amour du tapis n’est pas des plus abordables. Et sachez que le marchand, toujours à l’affût d’une proie, se fera un malin plaisir de vous séduire en vous offrant d’entrer découvrir quelques raretés. Le marchand de tapis pourrait à lui seul être le sujet d’un article, mais je m’égare. Revenons plutôt à nos moutons ! Le tapis marocain est justement issu du mouton, de leur laine pour être plus précis. Cet art s’étant développé bien avant l’arrivée des Arabes, le tapis marocain berbère classique se distingue par une absence de soie ce qui lui donne un aspect fait main. Et vous ne serez pas surpris d’apprendre que cette tâche fastidieuse ait été impartie à des générations de jeunes femmes qui se succédèrent derrière des métiers à tisser rudimentaires. Que ce soit un kilim (à ne pas confondre avec le kilim iranien), un hallucinant boucherouite (fabriqué à partir de résidus de laine bariolés) ou un simple, mais ô combien confortable Beni Ouarain, peu de gens sont insensibles face à la beauté de la vedette des souks marocains ! Les six tapis que j’ai à la maison font foi de ma propre incapacité.

La beauté de l’artisanat provient pour moi de la possibilité d’utiliser quotidiennement ces objets. Quoi de mieux que le travail minutieux et esthétique d’un artisan pour retourner en voyage et se remémorer un endroit, un moment ou une odeur ? Je pourrais développer encore longtemps sur l’artisanat marocain, mais je vous suggère plutôt de réserver un voyage au Maroc, de faire votre valise et de vérifier deux fois plutôt qu’une que votre carte de crédit est bien en place !

 

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Patrice Gendron

Écrit par Patrice Gendron

Historien et historien de l’art de formation, Patrice Gendron cumule plus de 25 ans d’expérience diversifiée dans le domaine du voyage. Passionné d’architecture, d’histoire et de cuisine, il a foulé chacun des continents à mainte reprise.

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